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La vie locale

Hebdos locaux, c'est toujours l'ère des pionniers

Captif des publicités locales et d'un lectorat traditionnel, condamnés à conquérir un lectorat " branché ", les petits hebdomadaires d'informations locales de la grande banlieue parisienne ont du mal à se lancer dans l'aventure du web. Question de temps, question d'argent, question de culture.

La mise en ligne ? Au début c'était pour gagner de nouveaux lecteurs !
A la frange de la région parisienne qui s'étend désormais au-delà de ses limites administratives, les petits hebdomadaires locaux peinent pour survivre. De plus en plus englobés dans un tissu économique et social de dimension régionale, il leur faut trouver un équilibre entre deux lectorats.

Le premier est constitué par les gens du cru, attachés à leurs habitudes de lecture, surtout les plus âgés, et à l'aspect de " leur " journal. Il faut les ménager, il s'agit après tout du fonds de commerce de l'hebdomadaire. Mais ce lectorat-là s'étiole. Il est remplacé, trop peu, par des générations plus urbaines, tournées vers les nouvelles technologies et par une population venue d'autres horizons. Ces jeunes et ces nouveaux arrivants, soumis aux migrations alternées quotidiennes vers la capitale, sont plus enclins à regarder les informations à la télévision et lire les journaux dits nationaux. Pour la plus grande partie de cette population, l'information micro locale n'offre que très peu d'intérêt et " l'hebdo du coin " traîne une image ringarde.

Occuper le terrain

L'arrivée de l'Internet est apparue comme le moyen de valoriser cette image, d'attirer le nouveau lectorat, vers l'achat du journal papier parce que passer par le web, c'est plus branché, reconnaît Didier Dufaut, journaliste à L'Eclaireur du Gâtinais et du Centre. Pour cette vitrine, une partie du journal papier est mise en ligne. Les articles sont réécrits, raccourcis afin que le lecteur intéressé par le sujet soit obligé d'acheter le journal.
Les politiques d'incitation à l'achat sont plus ou moins élaborées, ainsi, dans Le Courrier de Mantes (Mantes le Jolie, Yvelines), les archives du journal sont mises en ligne. La base de données rassemble 7200 articles accessibles gratuitement et remonte jusqu'au mois de septembre 1999. Mais un article archivé n'est consultable qu'avec un mot de passe, que l'on ne trouve que dans le journal en papier…

Il s'agit en fait d'une question de gros sous et de temps. L'idée est de rendre le titre le plus visible possible, de créer une habitude chez cette population d'internautes jeunes et urbains au pouvoir d'achat relativement important. C'est pour la presse hebdomadaire régionale (PHR) une question de survie car elle perdure grâce à la publicité locale. Les informations sur ce sujet sont partout classées top secrètes. Les chiffres concernant les retombées du web en terme de publicité ne sont pas communicables, quand ils existent, et il n'y pas encore de démarche importante dans ce sens car le journal en ligne est en phase d'adaptation, il s'agit d'occuper le terrain, précise Claude Cécile, journaliste web au Courrier de Mantes .

Avoir les reins solides

Les petits, les isolés ne s'en sortent pas. D'ailleurs, affirme Marc Rousseau, directeur de La Marne à Meaux, l'utilisation d'Internet par la presse régionale est en chute, même les syndicats ne nous poussent pas dans ce sens. Seuls tirent leur épingle du jeu ceux qui ont su se regrouper pour avoir les reins suffisamment solides ou qui ont été rachetés par de grands groupes de presse, et qui font appel à des prestataires de services. Le groupe Ouest France qui possède le Courrier de Mantes, et depuis quelques mois La République de Seine et Marne à Melun, passe par une société américaine spécialisée dans les sites de PHR " clé en main " opèrant depuis Budapest. Dans le Loiret. L'Eclaireur du Gâtinais fait lui partie du petit groupe de la République du Centre et son prestataire est basé beaucoup plus près, à Nemours.

 

Faire évoluer le journal en ligne

L'arrivée d'Internet intervient pour les petites rédactions à un mauvais moment du point de vue social. Elle coïncide avec la mise en place de la semaine de 35 heures, qui pose déjà beaucoup de problèmes d'emploi du temps et de récupération d'heures. Dans le meilleur des cas le basculement sur la toile est confiée à un journaliste (aux dires des intéressés cela correspond à un demi poste) qui s'efforce de faire évoluer le journal en ligne. Ailleurs, chaque rédacteur est mis a contribution pour ses propres articles. Le travail de résumé alourdit alors sa tâche quotidienne, et rapidement les articles mis en ligne ne sont plus réécrits mais simplement copiés-collés, ce qui nuit à la vivacité du site.

En dépit de ce démarrage difficile les pionniers semblent confiants. Le nombre de consultations varie selon les journaux de 4 à 5000 visites mensuelles à plus de 2000 par jour, avec parfois des visites en provenance de 60 pays différents dans une année. Tous les journalistes font état d'un montée en puissance d'Internet comme vecteur d'informations locales. Pour l'un c'est près de 50% de la masse des communiqués qui passe par le web, pour l'autre plus de 10% des informations, y compris celles transmises directement par les lecteurs et les informateurs.

Faire machine arrière

Le journal en ligne s'essaie aussi à l'indépendance et, s'il reste soumis au rythme hebdomadaire, il y a de plus en plus d'éléments qui sont créés uniquement pour Internet, avec un contenu spécifique. Certaines informations sont diffusées sur le site avant la parution papier, la remise des " Big Brothers Award " dont la ville de Mantes le Jolie est l'un des lauréats en est un exemple. Claude Cécile, journaliste web au Courrier de Mantes précise même que certains des articles diffusés sur Internet n'ont pas été publiés dans la version papier.

En définitive, et en l'absence d'une réponse du syndicat de la presse hebdomadaire régionale (SPHR) qui déclare n'avoir aucun chiffre à communiquer et ne pas s'être penché sur le sujet, il semble que peu d'hebdomadaires d'information locale aient franchi le pas. Sur les 40 titres du groupe Ouest-France par exemple, deux seulement sont sur Internet. Certains, comme La Marne à Meaux ont entamé le processus avant de faire machine arrière. Tous sont convaincus que cette évolution est inéluctable, le problème étant, pour les dirigeants de savoir quand prendre le train en marche.

Yves RATH

Liens de l'article :

L'Eclaireur du Gâtinais et du Centre
http://www.eclaireurdugatinais.com

Le Courrier de Mantes
http://www.courrierdemantes.com

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